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Les conditions de vie dans les prisons

Ancien Régime

Trois jours ou trente ans de prison sous l'acien Régime

prisons sous l'ancien régime
D'une manière générale, l'incarcération n'était pas, comme de nos jours, une peine infligée en châtiment à un criminel : elle était considérée comme une mesure de sûreté en attendant le jugement (il y avait pourtant beaucoup d'exceptions, notamment pour les femmes).
Les sentences, on le sait, étaient alors très sévères. Les coupables pouvaient être pendus, brûlés vifs, rompus, roués, ou encore condamnés au fouet, au bannissement, à la flétrissure, aux galères. Les peccadilles étaient punies d'amende, du pilori, du carcan, etc. On croyait alors à l'exemplarité du châtiment et l'idée du sursis était inconnue.
Parfois le criminel ne restait que quelques jours en prison. Ainsi, l'assassin d'un usurier, un brocanteur nommé Choisy, fut arrêté le 11 mai 1766, jugé le 13 du même mois, condamné à mort et pendu le 14. Un garçon boulanger, Louis-Michel Houlier, qui avait tué son patron à coups de hache, fut incarcéré à Paris le 18 mars 1765 : deux jours plus tard, il était roué place de Grève.
Une telle précipitation était peu fréquente. On peut en revanche citer le cas de malheureux oubliés pendant des mois, voire des années, au fond d'une prison dans l'attente d'un éventuel jugement.
En 1703, un certain Ragueneau de Charron, détenu depuis six ans à Saint-Lazare, est enfin libéré, « Sa Majesté, n'ayant pas jugé que les motifs de sa détention soient suffisants pour le retenir plus longtemps dans un tel lieu » ! La même année, d'Argenson demande que la femme Lantinau, en prison depuis quatorze ans pour débauche et infidélité, soit enfin élargie.
Le cas des prisonniers pour dettes est particulièrement pitoyable. Les malheureux demeurent en principe en prison jusqu'au remboursement de ce qu'ils doivent (opération généralement impossible à réaliser). En ce cas les créanciers doivent payer la nourriture de leurs débiteurs. Naturellement, ils s'acquittent de cette obligation aux moindres frais. Quand un homme doit de l'argent à plusieurs personnes, chacune de celles-ci renvoie aux autres le soin de nourrir le reclus qui, du coup, est affamé.

Pistoliers et pailleux

prison du châtelet
Les conditions matérielles de la détention dépendent de bien des circonstances, de la gravité des délits, des avantages matériels que les détenus peuvent acheter à prix d'argent. On divise alors généralement les prisonniers en pistoliers et pailleux.
Les pistoliers, ainsi nommés parce qu'ils sont logés dans des chambres à pistoles, ont droit, moyennant finance, à un vrai lit. Ils peuvent même avoir une chambre particulière, chauffée ou non chauffée. Sous Louis XIV, le prix de ce logement individuel s'élève quotidiennement à 20 sols (ou 30 sols s'il s'agit d'une chambre avec cheminée). Le détenu peut soit faire venir des meubles lui appartenant, soit en louer au concierge.
Moins chères sont les chambres pouvant abriter deux ou trois personnes. Le prisonnier paie alors 5 sols par jour s'il a un lit pour lui seul, 3 sols s'il partage le lit avec un autre reclus
Les pailleux, en revanche, n'ont pas de lit. Ils couchent sur la paille, dans des pièces communes. Cette paille doit en principe être changée chaque mois, mais la règle n'est pas toujours suivie. L'humidité fait souvent son oeuvre et la paille peut devenir un vrai fumier, où grouillent les bestioles. Les villeux n'ont rien à verser pour leur coucher.
Les grands criminels ou les gens jugés dangereux ne frayent évidemment pas avec les autres. Ils sont mis au secret (parfois enchaînés) dans des cachots blancs ou des cachots noirs, les seconds étant sans lumière.
La nourriture des prisonniers a naturellement varié selon les lieux et les époques, mais de toute façon les détenus devaient payer pour être nourris. Au XVIIe siècle, le roi versait généreusement pour chacun d'eux quatre sols par jour, chiffre nettement insuffisant lorsque augmenta le prix de la vie. Les familles devaient fournir le supplément (ce qu'elles ne faisaient pas toujours). Le pain fourni par le roi était généralement détestable, mal cuit, sentant l'aigre. L'eau, puisée dans la Seine, était fort insalubre.

Le tyran des guichets dans les prisons de l'Ancien Régime

geôlier de la conciergerie
Dans certaines prisons, le concierge ou le geôlier en chef prenait l'office à bail. Il recevait une somme fixe sur laquelle il devait payer les autres gardiens, pourvoir au couchage et à la nourriture de ses « clients ». Il tenait registre des entrées et des sorties, veillait à la bonne tenue de l'établissement.
On l'accusait de faire fortune en exploitant les détenus. Guichetiers et greffiers exigeaient souvent des malheureux à leur merci le paiement de redevances, en échange de petites faveurs.
Les concierges et les gardiens jouissaient donc d'une très médiocre réputation. Une note officielle, datant du XVIIe siècle, les dépeint sous un triste jour : « Les geôliers sont parfois signalés comme plus infâmes que ceux qu'ils enchaînent cruellement à de grosses chaînes. Ils sont grands ivrognes, paillards, adultères, violateurs de leurs prisonniers... »
L'ordonnance de 1670 met les geôliers en garde contre les abus de pouvoir, leur précisant leurs devoirs. Il leur est en particulier recommandé de veiller à ce que prisonniers et prisonnières ne se fréquentent pas.
En 1712, d'Argenson avertit Mme de Maintenon : « Les geôliers font payer aussi cher qu'ils peuvent toutes les commodités qu'ils fournissent aux prisonniers, et ceux qui ne sont pas en état de les leur acheter sont fort misérables. »
Dans le nombre, on trouvait naturellement d'honnêtes geôliers soucieux d'accomplir le plus humainement possible leur besogne. En principe, ils devaient être mariés : leurs femmes les aidaient dans leur tâche, en particulier dans le soin du ravitaillement et de la cuisine. Souvent ils recevaient de mauvais coups et devaient mater les révoltes. Le métier n'était certes pas de tout repos.
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L'ère des réformes
L'horreur de l'univers carcéral de l'Ancien Régime apparaît aujourd'hui stupéfiante. On doit cependant noter que les États voisins de la France montraient une sévérité analogue à l'égard des criminels, ou même des vagabonds. Nos rois, on le sait, ont à maintes reprises tenté de réglementer les conditions de vie des prisonniers. A partir de Louis XIV, les lieutenants de police reçurent l'ordre d'inspecter les établissements, de noter les plaintes, de réprimer les abus.